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Poétique des ruines : Detroit

« Nous attachons nos regards sur les débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un palais, et nous revenons sur nous-mêmes. Nous anticipons sur les ravages du temps, et notre imagination disperse sur la terre les édifices mêmes que nous habitons. À l’instant, la solitude et le silence règnent autour de nous. Nous restons seuls de toute une nation qui n’est plus, et voilà la première ligne de la poétique des ruines. »

Diderot, devant les peintures du Salon de l’année 1767

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La poétique des ruines de Detroit est mise à l’honneur dans ces photographies d’Yves Marchand et Romain Meffre – photographies exposées dans un livre, Detroit, vestiges du rêve américain, et sur leur site.

« Rien ne ressemble plus à une ruine qu’un chantier. » L’inverse est-il valable ? Ces ruines sont l’architecture en chantier.

Ces architectures ne sont pas mortes, elles donnent un dernier souffle, un souffle si puissant et si pur dans ces photographies. La rigueur et le cadrage y remplacent parfois l’architecture elle-même quand elle devient étique. Photographies du trou, du vide, de l’espace, du temps qui a explosé l’espace. Photographes architectes à l’œuvre du passé.

L’idée d’un voyage commence toujours par un livre ou des photographies. Qui veut aller à Detroit ?

« Ainsi va Detroit depuis quarante ans. L’herbe pousse là où l’industrie se meurt et les écoles ferment, là où l’homme s’est cru si fort, maître du temps et de l’espace, passant les vitesses à bord d’une Ford, d’une Chrysler, d’une General Motors, qu’il en oublia que les empires s’effondrent. »


 « … Rouge Plant, une usine gigantesque construite par Albert Kahn sous l’œil vigilant d’Henri Ford il y a un siècle. Soixante-quinze mille employés avant-guerre.
Elle est toujours là,
l’usine, au sud, vestige impossible à abattre, entre rouille et projets de rénovation. Oubliés les voix, les plaintes, les récits d’hommes esclaves de la machine. Le vide et la peur des lendemains ont chassé les souvenirs, préféré la nostalgie au ressentiment. »

« Les jardins de Detroit », XXI, oct.-déc. 2010, p. 34 et 38.

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